Avec ses Compagnons d’Armes

samedi 17 novembre 2012
par  claude thollon-pommerol

Cette page donne assez exactement, en raccourci, une idée des occupations et des émotions de l’aviateur. Ce sont celles que Pégoud préfère et il s’y abandonne avec une joie spontanée, chaque fois qu’il le peut.

Mais il lui faut assez souvent demeurer sur la terre ferme, et là, il se mêle le mieux qu’il peut à la vie de ses compagnons d’armes. Voici, tiré d’un carnet de Pégoud, le récit d’une curieuse excursion dans les tranchées : »

« 7 mai.

- Temps couvert, pluie. Déjeune. A 14 heures, partons en voiture pour tranchées de première ligne à Aspach-le-Bas. Traversons en voiture la frontière, les villages alsaciens. C’est vraiment très joli, plein de verdure.

Arrivons à X... où nous laissons la voiture, partons à pied, à travers bois, en baissant la tête pour éviter les balles et n’être pas aperçus, les Boches étant à environ 400 mètres de nous. Plusieurs pièces de 75 et 120 tirent à côté de nous. Arrivons au passage à niveau, tout près de la gare d’Aspach-le-Bas. Nous collons contre les créneaux et risquons vivement un coup d’œil. Au-dessus, le canon fait rage, autour de nous, pendant que les obus se croisent au-dessus de nos têtes. Prends un grand nombre de photos, et par-dessus les créneaux, prends le village d’Aspach-le-Bas, à 200 mètres. Les Boches sont à 150 mètres, du côté de la gare d’Aspach. Plusieurs 75 et 120 ont éclaté dans le bois près de nous, en ramasse les éclats. Épatant comme souvenir. Vais aux tranchées en rampant dans les boyaux. Regarde au périscope. Merveilleux ! On voit très nettement les tranchées boches, pendant que leurs balles font rage sur les tôles d’acier. »

08 mai

Patrouille 5h pilote adjudant Pégoud, observateur lieutenant Gastin

09 mai

Avion de recherche Région Colmar, Munster,Guebwiller ; pilote adjudant Pégoud, observateur sous-lieutenant de Minteguiaga

10 mai

Barrage 13h pilote adjudant Pégoud, observateur sous-lieutenant de Minteguiaga

23 mai

Détachement à Corcieux ; (3 avions)

09 juin

Retour de Pégoud à l’escadrille ;

« Ce sont là distractions de saison : Pégoud n’en abuse pas. Il est trop absorbé par son service : »

« 17 juin.

- Mes mécaniciens ayant démoli ma mitrailleuse de son appui, en sortant l’appareil hier pour chasse, la fais monter avec articulation.

Le général Thevenay, gouverneur de la place de Belfort, vient nous rendre visite, à 17 heures, s’intéresse à tous les appareils et pilotes. Ensuite quelques vols sont exécutés devant lui.

Buvons le Champagne dans nouveau pavillon nommé Armenonville, qui est de ce fait arrosé.

Un boche étant signalé, mon appareil n’étant pas prêt, mon camarade Gilbert part sur le sien qui est en ligne de départ.

Le général prend congé de nous.

Le prends plusieurs fois en photo.

Gilbert atterrit, nous apprend qu’il a descendu un Aviatik vers Thann.

Son appareil et son moteur ont reçu plusieurs balles.

Partons en voiture pour aller voir l’Aviatik. Les douaniers et gendarmes traînent dans la pente les deux cadavres, pilote et passager, qui sont absolument mutilés, brisés de toutes parts. Le passager absolument mutilé aussi, le crâne défoncé.

Nous remontons plus haut, vers l’appareil, qui ne représente plus qu’un tas de débris informes.

Fuselage absolument métallique, ainsi que les ailes. Moteur admirable, 6 cylindres représentant au moins 200HP, cylindre 130 X 180.

Prends des photos au magnésium, emporte souvenirs.

Gilbert crie la faim, descendons en vitesse. L’escadrille Caudron est avec nous.

Arrivons à la Chapelle, mangeons à la popote de l’escadrille.

Buvons Champagne en l’honneur de Gilbert. »

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