La tournée européenne de 1913-14

TOURNEE EUROPEENNE

La tournée européenne de Pégoud : Une chose est sûre, Pégoud est passé maître dans l’art du looping et de la voltige aérienne, repoussant chaque jour, ses propres limites lors de démonstrations qu’il donne partout en Europe.

Il est accompagné par Frédéric Bonnet qui devient en quelque sorte son manager. Seulement une semaine après son 1er looping, il commence sa tournée fin septembre, à Brooklands près de Londres en Angleterre, où il réalise 3 puis 4 boucles successives. Puis il revient à l’Aéroparc de Buc, le 12 octobre devant un parterre de 200 000 personnes, à l’occasion d’un grand meeting organisé par le journal « Le Matin ». A cette occasion, Pégoud effectue un quintuple looping, vole la tête en bas pendant 1 minute 44 secondes et descend de 600 m en spirales les mains en l’air.

Pégoud début sa tournée à Brooklands

Accueilli en Allemagne : Il se rend ensuite outre-rhin mi octobre 1913, d’abord à Hambourg, puis à Johannisthal où l’administration des chemins de fer délivre, chiffre inouï, un million de titres de transport au cours du week-end ! Lors d’un banquet donné un soir par ses compatriotes en son honneur, Raoul Pictet, professeur de chimie à Berlin intervient en ces termes « Il a osé, c’est parce qu’il a osé qu’il a frayé des voies nouvelles, même celles où l’on vole la tête en bas. Il a créé, enfin, le vol artistique ».

Les 1er et 2 novembre, on le retrouve à Hanovre, puis à Franckfort en présence du Prince Henri de Prusse qui écrira « Vous ne pouvez pas imaginer ce que ce gars-là est capable de faire… cet homme m’a fait forte impression ! ».

Pégoud vole en Belgique Le lundi 3 novembre, il est à Gand en Belgique où là aussi, une nuée de 100 000 personnes peine à rejoindre le champ de course de Saint-Denis. Fait exceptionnel, pour l’occasion, les usines ferment un jour de semaine. Pégoud boucla 6 fois la boucle successivement. Puis le 8 novembre, il se rend à Bruxelles où il reçoit le même accueil enthousiaste, malgré la pluie fine et froide qui s’abat sur l’aéroport de Berchem-Sainte-Agathe.

Pégoud en Moravie (République Tchèque 🙂 Fin décembre 1913, il part à Prague accompagné de Bonnet, son mécano Pierrot et M. Kabelac, l’organisateur de sa tournée. Le 3 janvier, une soirée de gala est donnée en son honneur, au cours de laquelle on lui chante la Marseillaise en présence du vice-consul de France, M. Dorange. Il profitera de son séjour à Prague pour faire peindre son portrait par Liba Leparova. Fin janvier il se rend à Brünn, toujours en Moravie.

A Prague, Pégoud pose devant peintre et photographe.

En Italie en février 1914 : Début février, il pose ses valises dans le luxueux hôtel-palace « L’Exelcior » qui domine tout le port de Trieste.

Puis il se rend à Milan où scandale, il va être au centre d’une sombre affaire judiciaire : En effet, un mois plus tôt, Pégoud a passé commande à la maison Blériot de deux nouveaux appareils à la structure renforcée pour exécuter ses loopings. De ce fait, il met en vente son ancien avion qui trouvera acquéreur pour 19 000 lires, en la personne du pilote italien Achille Dal Mistro.

Le 25 février 1914, Dal Mistro exécute avec joie, plusieurs loopings en présence de Pégoud… mais quelques jour plus tard, au moment de le démonter pour partir à Bologne, un ancien mécanicien de Pégoud, récemment congédié (Adolphe Freissmuth), indique à l’aviateur italien que l’appareil a été saboté et qu’il le conduira à une mort certaine. L’accusation est grave et Dal Mistro fait alors mettre l’avion sous scellés pour porter l’affaire devant la justice.

Pégoud se fait assister par deux avocats et rembourse l’avion. Le 4 mai, pour laver son honneur et prouver sa bonne foi, il revient spécialement à Milan pour voler avec l’avion incriminé. A sa descente de l’appareil, il est porté en triomphe et acclamé aux cris de « Vive la France ».

L’aviateur italien Dal Mistro en litige avec Pégoud

De retour en Allemagne : Pégoud revient à Berlin les 28, 29 et 31 mars où il emmène comme passager un journaliste et des aviateurs allemands. Il embarque aussi sur sa monture, Melle Eudoxie Cutxan avec qui il réalise quatre loopings successifs.

Elle témoigne : « Lors de son premier voyage à Berlin fin octobre 1913, Pégoud m’avait dit : Je vais construire un appareil pour pilote avec passager. Oui, l’année prochaine, je bouclerai la boucle avec Melle Eudoxie Cutxan. Le projet n’était-il pas fantastique, impossible ? Mais pour Pégoud le mot impossible n’existait pas. L’appareil s’envole, le rêve se réalise, la réalité est un rêve intensément vécu. La terre m’apparaît comme un jardin enchanté. On vole, on grimpe, on vire tantôt sur une aile, tantôt sur une autre. A quand la boucle ? C’est délicieux, c’est divin, bravo Pégoud ! Puis nous bouclons la boucle une fois, deux fois, trois fois et quatre fois de suite. J’étais enivrée, exaltée, transfigurée ! ».

En Allemagne, Pégoud fait tourner la tête d’Eudoxie Cutxan

Début mai, il est à Munich, mais à présent, les Allemands construisent eux-mêmes de nombreux aéroplanes et ils ne tiennent plus à accueillir les représentants des fabricants français. En Bavière, on mène campagne contre l’aviateur Pégoud et on défend même aux officiers de suivre ses exhibitions. Pourtant, il présentera ses prouesses habituelles devant le Prince héritier de Bavière Rupprecht qui le félicite chaudement.

Pégoud salué par Rupprecht en Bavière.

Pégoud volera également en Russie, Hongrie, Autriche Roumanie, Norvège, Pays-bas… soit une douzaine de pays étrangers en seulement 9 mois !

La guerre va interrompre ses exhibitions : Outre Atlantique, Pégoud est attendu avec impatience. Dès octobre 1913, le New York Times le présentait en couverture. Il prépare sa tournée et fait conditionner ses deux avions qu’il fait embarquer à Hambourg à bord du bateau « L’Impérator ». Mais sur le point de partir… la guerre éclate ! Il a juste le temps de faire débarquer ses avions et de les transporter au Havre où ils arriveront deux heures avant la déclaration de guerre.